Comment fait-on pour manger sans gluten en prison ?! Vous vous êtes déjà posé la question ? Penchons-nous sur le quotidien des personnes incarcérées qui ne mangent pas de blé…
Et si demain on atterrissait en prison ?!
La scène ne dure que quelques secondes. Elle est volontairement très caricaturale et n’a pas pour but que de faire rire le téléspectateur, mais soulève finalement les bonnes questions…
Dans l’épisode 3 de la saison 2 de la série américaine Orange is The New Black, la cheffe de la cuisine du pénitencier, Mendoza, préalablement mise sur les nerfs par une broutille, s’emporte violemment lorsqu’une détenue ose (mama mia !) demander un plateau repas spécifique : un plateau sans gluten !
Mendoza l’envoie alors balader avec une réplique épique : « La prison, c’est le gluten ! Ne commets pas de crime si tu ne manges pas de maudite farine !«
Malgré mon sourire, devant l’écran soudain, une interrogation : et dans la réalité, en France ? Comment les cœliaques, ou même ceux qui sont “juste” (vous noterez l’ironie) très sensibles au blé et autres céréales contenant du gluten, se nourrissent-ils derrière les barreaux ?
Que dit la loi quand on doit manger sans gluten en prison
Pour les premiers, les cœliaques, la loi fait son office puisqu’il est prévu que les détenus reçoivent une alimentation qui tienne compte de leur “état de santé”.
Selon les articles D.354, D.361 et D.369 du Code de Procédure Pénale français, les personnes incarcérées malades ont le droit à un régime stricte… du moins, pour peu que celui-ci soit médicalement prescrit ! S’en suit une liste de ceux qui sont concernés par cette disposition : les personnes atteintes de diabète ou de cholestérol, celles qui doivent suivre des régimes diététiques médicaux pauvres en graisses saturées, hyposodés, hypercaloriques…
Pas de mots très précis en ce qui concerne les allergies graves ou la maladie cœliaque elle-même, mais on devine que cela rentre dans les dispositions de la loi. Un détenu qui ne verrait pas son régime prescrit respecté a d’ailleurs le droit d’adresser une lettre à la DDASS, afin de faire impérativement respecter les mesures médicales par son pénitencier. En théorie, il est donc possible de manger sans gluten en prison…
Deux poids deux mesures quand on mange sans gluten en prison ?
“Je n’ai jamais croisé de détenu qui aurait eu besoin de manger sans gluten en prison” avoue Nelly Dechene, qui a travaillé 15 ans dans une maison d’arrêt.
“Le plus souvent, les régimes alimentaires spéciaux que j’ai pu croiser étaient des régimes confessionnels, sans porc etc. Mais c’était il y a sept ans, et c’est vrai qu’on ne parlait pas autant du gluten que maintenant…”
S’il n’y a pas plus de cœliaques depuis dix ans, par contre, plus de personnes se font diagnostiquer comme telles ou bien comme sensibles au gluten… or, pour ces dernières, les sensibles, il ne semble pas y avoir de dispositif obligeant les autorités à commander un régime spécial.
Ce sera donc difficile de demander du sans gluten en prison. Sans ordonnance stricte, pas de nourriture spécifique pour les prisonniers sans gluten. Comme partout dans la société française, les problématiques liées à la protéine de blé commencent à peine à éveiller les consciences…
Et, malheureusement, pour beaucoup, les sensibles (qu’ils soient en cellule ou non !) restent encore des énergumènes considérés comme capricieux…
De là à se faire agresser par la cheffe cuisinière en prison, il y a un monde…
Comment se déroulent les repas en prison ?
Est-ce qu’en France les détenus mangent aussi au réfectoire, comme dans les séries américaines ??!
Eh bien la réponse est non ! En France le système est différent. D’après l’Observatoire International des Prisons, en France « l’administration pénitentiaire distribue gratuitement deux repas et une collation par jour, mais les quantités sont parfois insuffisantes et la qualité de la nourriture médiocre et déficiente en produits frais« .
Comment fait-on si les plats distribués contiennent du gluten et qu’on doit manger sans gluten en prison ? Réponse de l’OIP : « Pour tout complément (achat d’aliments supplémentaires, de produits frais…), les détenus doivent faire des achats en « cantine », une vente par correspondance gérée par l’administration de la prison. En outre, le frigo est loué 7,50 euros par mois ».
Les proches peuvent aussi envoyer des colis de produits. Ce sont d’ailleurs ces mêmes « proches (80% des personnes qui se rendent au parloir [qui] soutiennent financièrement la personne détenue), car l’argent est interdit de circulation en prison ».
Enfin, si vous demandez à quoi ressemble une journée type en prison, le ministère de la justice a publié un article sur le sujet.
Cet article a été publié le 23 janvier 2015 et a depuis été mis à jour par l’équipe.
La photo de couverture est signée : ©Mitch Iensink
COMMENTS (2)
Rosana HENRY
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Bonsoir, j’ai lu attentivement votre article sur le sans gluten en prison…
Je viens moi-même de sortir de 2 mois d’hospitalisation en clinique psychiatrique ( je suis en dépression suite à du harcellement moral de la part de mon patron…)bref, j’ai eu la sensation d’être emprisonnée car même si j’avais une préscription médicale « sans gluten, sans lactose », mon sentiment était d’être prisonnière de celle-ci, je m’explique:
Pour cette clinique ou plutôt le cuisto en chef, tout les aliments non estempillés « sans gluten, sans lactose » ne m’étaient que très rarement proposés( légumes, légumineuses, …. non inscrits sur le menu) si le menu n’était pas « adaptable » le produit n’était tout simplement pas remplacé…mon régime alimentaire s’est réduit à des plas de pâtes sans gluten (sèches, sans sauces) avec des aiguillettes de poulet ou encore, du riz blanc avec du poisson vapeur…quand aux desserts:
-bananes
-pommes ou
-compotes pommes bananes…
bref un enfer, une maltraitance alimentaire que j’ai dénoncé à plusieurs reprises aux différents soignants, suppérieurs et cuisiniers…en vain….
Je suis donc sortie la semaine dernière sans être sûre de le pouvoir psychologiquement mais épuisée moralement de tant de frustration culinaire…la guérison ne passe-t-elle pas par l’assiette?
Je suis profondement déçue et je ne sais vers qui me tourner pour me faire entendre. Merci.
Cécile Gleize
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Bonjour Rosana,
Merci beaucoup pour votre témoignage poignant, on sent que ça n’a pas été du tout facile pour vous et on le comprend !
Effectivement les repas devraient être qqch d’important, mais ce n’est pas encore le cas. Est-ce faute de moyens ? Nous ne savons pas.
L’établissement était-il privé ou public ?
On avait rédigé un article sur le sans gluten dans les hôpitaux : https://because-gus.com/le-sans-gluten-dans-les-hopitaux/
Et comme vous pourrez le lire, c’est très très inégal encore !!
Avec vos réponses, on espère qu’on pourra vous aider 🙂
L’équipe de Because Gus