Le laboratoire Luxia Scientific a lancé 1test1, test qui permet de diagnostiquer la perte de diversité du microbiote intestinal. Ces tests sont-ils fiables ? On a posé la question à Nadine Cerf Bensussan directrice du laboratoire d’immunité intestinale à l’INSERM et Harry Sokol, hépato-gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Antoine, spécialiste du microbiote et de la transplantation fécale.
Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?
Harry Sokol : Le microbiote intestinal est l’ensemble des microorganismes (bactéries, champignons et autres) qui colonisent notre tube digestif. On l’a longtemps appelé la flore intestinale.
Le microbiote, en tant que bio-marqueur, est très étudié depuis quelques années alors qu’auparavant on ne s’y intéressait pas. La recherche avance, mais nous sommes encore loin de tout comprendre à son sujet et c’est important de le rappeler.
NDLR : Nous avions consacré un article entier au microbiote intestinal par ici !
Avons-nous tous le même microbiote ?
Nadine Cerf Bensussan : Les grandes familles bactériennes présentes dans le microbiote intestinal sont les mêmes chez tous les individus. Au sein de ces familles, de nombreuses espèces sont partagées.
Néanmoins chaque espèce est fait de nombreuses souches différentes et celles-ci diffèrent entre individus… D’où la réponse assez normande : oui nous avons des microbiotes similaires mais chacun d’entre nous a un microbiote qui lui est propre.
Qu’est-ce que la diversité du microbiote intestinal ?
Comme on vient de le voir, le microbiote intestinal est constitué de milliards de bactéries d’espèces différentes.
Dans son communiqué de presse, le laboratoire Luxia Scientific explique que « Certaines [de ces bactéries] sont très bénéfiques pour la santé. Elles participent à la digestion, notamment en assurant la fermentation des substrats et des résidus alimentaires non digestibles. Elles constituent la meilleure protection naturelle contre les bactéries pathogènes, c’est à dire les bactéries extérieures qui peuvent causer de graves troubles. Ces « bonnes » bactéries ont également un rôle important dans l’éducation du système immunitaire. »
Le laboratoire est donc parti du constat simple : une flore bactérienne avec une diversité élevée est bénéfique pour la santé, si le microbiote est altéré dans sa diversité, il faut le restaurer.
C’est pour mesurer la perte de diversité du microbiote intestinal que le test 1test1 été commercialisé. Il se commande directement sur le site du laboratoire Luxia Scientific, au prix de 288 euros.
Que pensent les chercheurs de ces tests pour diagnostiquer la perte de diversité du microbiote intestinal ?
Nadine Cerf Bensussan : La diversité ne préjuge pas de la nature des bactéries mais reflète seulement le nombre total de gènes présents collectivement dans le microbiote. Ce qui est énoncé précédemment par le laboratoire est un raccourci qui me gêne beaucoup.
Une perte de diversité du microbiote est observée dans de nombreuses pathologies chroniques métaboliques (obésité, diabète de type II) ou inflammatoires (maladies inflammatoires intestinales notamment) comparées à des sujets bien portants.
Cependant, à ma connaissance, la réduction de diversité n’est pas spécifique d’une pathologie particulière. Je n’ai pas non plus connaissance de tests validés par des études statistiques précises qui permettent à l’échelle individuelle de définir un seuil de diversité prédictif de l’apparition d’une pathologie.
En outre, il semble que les modifications des habitudes de vie dans les pays industrialisés (alimentation, antibiotiques…) ont conduit à une réduction de diversité générale dans toute la population de ces pays. Cette réduction apparaît chez les migrants venant de pays au mode de vie traditionnel quelques mois après leur arrivée, et s’accentue avec le temps passé dans le pays industrialisé d’accueil.
Harry Sokol : Mesurer la diversité du microbiote intestinal peut se faire depuis de nombreuses années. En revanche, il est toujours impossible aujourd’hui de définir ce qu’est un bon ou un mauvais microbiote.
Bien que de nombreuses études existent, aucun test basé sur le microbiote n’a d’utilité clinique aujourd’hui. Ils ne peuvent pour l’instant aider ni le patient ni son médecin à définir le traitement adapté.
Je suis en revanche convaincu que ce genre de tests existera dans un futur relativement proche, mais aujourd’hui les tests basés sur le microbiote n’ont aucune valeur médicale. Cela peut même créer de faux espoirs chez des patients souvent désespérés en quête de solutions concrètes.
Quelles sont les limites de ces tests ?
Harry Sokol : Aujourd’hui on ne sait pas dire quel est le microbiote intestinal qui permet d’être en bonne santé. Il est même probable qu’il soit différent d’une personne à l’autre.
En général, plus le microbiote est diversifié, plus il est associé à une bonne santé.
Aujourd’hui on sait qu’il faut prendre soin de son microbiote. Les seules recommandations que l’on a pour l’aider à se diversifier naturellement est de manger des fruits et des légumes en grande quantité et en grande diversité (on parle de 25 fruits et légumes différents par semaine) et même de réduire sa consommation de viandes et de graisses… il n’y a pas d’autres recettes miracles !
Cet article a été publié le 29 octobre 2019 et a depuis été mis par l’équipe.
La photo de couverture est signée : ©National Cancer Institute
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