Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Holger Link

L’intolérance au gluten est-elle liée aux gènes ? Peut-on prévoir l’apparition de la maladie cœliaque ou même la guérir grâce à la génétique ? On a posé toutes ces questions à Iris H. Jonkers chercheuse en génétique et spécialiste de la maladie cœliaque, à l’Université de Groningen aux Pays-Bas.

Revoyons quelques notions de génétique

Avant de débuter notre interview avec Iris Jonkers, on s’est dit qu’un petit point de vocabulaire serait nécessaire car c’est un sujet plutôt technique !

Maladie génétique et maladie héréditaire : quelle différence ?

D’après le Larousse Médical une maladie génétique est une « maladie due à la présence d’un ou plusieurs gènes défectueux dans le patrimoine génétique d’un individu. »

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ?
©Ousa Chea

Toujours d’après le même ouvrage, une maladie héréditaire est une « altération de l’état de santé transmissible aux descendants par les gamètes (cellules reproductrices) et résultant de la mutation (modification pathologique) d’un ou de plusieurs gènes. »

Une maladie génétique peut être héréditaire, mais toutes les maladies héréditaires ne sont pas des maladies génétiques… vous suivez ?

L’intolérance au gluten : maladie génétique ou maladie héréditaire ?

Iris H. Jonkers : la maladie cœliaque, communément appelée intolérance au gluten, n’est pas dûe à un gène défectueux, ce n’est donc pas une maladie génétique. C’est en revanche une maladie héréditaire.

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Sharon Pittaway
©Sharon Pittaway

Comment savons-nous cela ? Nous avons analysé un groupe important de patients cœliaques et de personnes non atteintes de maladie cœliaque pour déterminer s’il existe des marqueurs génétiques plus fréquents chez les patients cœliaques. Ces marqueurs génétiques pourraient alors jouer un rôle dans le développement de la maladie.

A partir de cette étude, nous avons identifié un groupe de plusieurs gènes, HLA (Human Leukocyte Antigen), qui jouent un rôle dans notre système immunitaire. Certains de ces HLA, HLA-DQ2 et HLA-DQ8, sont toujours présents chez les patients atteints de la maladie cœliaque et semblent être des marqueurs utiles pour déterminer si une personne est susceptible de développer une intolérance au gluten.

Qu’est ce que les gènes HLA-DQ2 et HLA-DQ8 ?

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Pdeitiker
©Pdeitiker

Iris H. Jonkers : Les gènes HLA-DQ2 et HLA-DQ8 codent pour les protéines de surface des cellules présentes sur les cellules immunitaires et reconnaissent toutes sortes de choses, telles que les bactéries et les virus qui envahissent notre corps. Ainsi, les cellules immunitaires, via les protéines HLA, informent notre système immunitaire de ce qui constitue ou non une menace pour le corps humain.

NDLR : bravo vous venez de lire la partie la plus technique de cet article ! On vous rassure, la suite est beaucoup plus simple à comprendre.

Tout le monde possède des gènes HLA, mais ces gènes présentent de petites variations qui influencent la réponse du système immunitaire face à certaines menaces étrangères.

Les protéines HLA-DQ2 et HLA-DQ8 sont très intéressantes car elles jouent un rôle important dans la réponse immunitaire chez les personnes intolérantes au gluten. Les protéines HLA-DQ2 et HLA-DQ8 reconnaissent beaucoup mieux le gluten que les autres types de HLA et, par conséquent, le gluten peut être perçu comme une menace pour les patients atteints de la maladie cœliaque. Cela déclenchera la réponse immunitaire qui rend malade les patients atteints de la maladie cœliaque.

Peut-on alors prédire si on développera une intolérance au gluten en analysant nos gènes ?

Iris H. Jonkers : Nous savons qu’en l’absence des gènes HLA-DQ2 et HLA-DQ8, une personne ne développera pas d’intolérance au gluten, ce qui en fait un excellent marqueur d’exclusion.

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Michael Longmire
©Michael Longmire

Mais l’inverse n’est pas nécessairement valable… Ce n’est pas parce que les gènes HLA-DQ2 et/ou HLA-DQ8 sont présents qu’une personne va développer cette maladie auto-immune. En effet, 30 à 40% de la population européenne possède ces gènes. Et parmi ceux qui en ont, seulement 1 à 4% risquent de devenir cœliaques. Et pour compliquer un peu les choses, tous les cœliaques ne possèdent pas nécessairement les deux gènes et peuvent n’avoir que HLA-DQ2 ou HLA-DQ8.

Outre les gènes HLA-DQ2 et HLA-DQ8, d’autres gènes jouent également un rôle. Ce sont principalement des gènes qui agissent dans la réponse immunitaire, nous pensons donc qu’ils peuvent amplifier la réponse immunitaire au gluten chez les patients intolérants au gluten. Ces gènes contribuent également au risque de contracter la maladie cœliaque, mais moins que les gènes HLA. Nous pouvons donc prédire l’absence d’intolérance au gluten par les gènes, mais nous ne pouvons pas prévoir son apparition.

Y a-t-il d’autres facteurs que les gènes qui favorisent l’apparition de l’intolérance au gluten ?

Iris H. Jonkers : Si vous êtes une jeune fille et que vous avez 2 gènes HLA-DQ2, le risque de développer une maladie cœliaque est plus élevé, mais cela ne suffit pas pour prédire avec exactitude si cela se produira.

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Jacek Dylag
©Jacek Dylag

Les Italiens, les Irlandais et les Espagnols ont également davantage de prédispositions génétiques, ce qui explique pourquoi il y a plus de cœliaques dans ces pays, mais la génétique ne suffit pas non plus à expliquer qui attrape la maladie dans ces pays.

Nos gènes représentent 40 à 50% du risque, mais le reste provient d’autres facteurs environnementaux. Nous en savons peu sur ces facteurs environnementaux. Il semble que la dose de gluten consommée tôt dans la vie, certaines infections virales (on ne sait pas encore lesquelles), ou même le microbiote intestinal pourraient tous jouer un rôle dans la apparition de la maladie cœliaque. Cependant, aucun de ces facteurs environnementaux n’est suffisant pour expliquer complètement qui sera ou non intolérant au gluten.

Il reste donc beaucoup de choses que nous ne connaissons pas. Il est difficile de savoir à quel point ces facteurs environnementaux sont importants par rapport aux gènes HLA-DQ2 et/ou HLA-DQ8.

Explorez-vous tout de même des pistes de traitements génétiques pour la maladie cœliaque ?

Iris H. Jonkers : Oui, mon travail consiste précisément à savoir s’il est possible ou non de bloquer la réponse immunitaire chez les personnes intolérantes au gluten.

Quel est le rôle des gènes dans l’intolérance au gluten ? ©Lucas Vasques
©Lucas Vasques

Pour le dire simplement, si on empêche le système de réagir incorrectement en présence de gluten, on peut ainsi permettre aux cœliaques de ne plus avoir à bannir le gluten à vie.

Cependant, comme nous venons de le voir, la difficulté réside dans des facteurs externes, mais également dans le rôle d’autres gènes, moins importants que les HLA, mais qui pourraient tout de même avoir un impact sur le système immunitaire.

Donc, malheureusement, nous ne sommes pas encore en mesure de guérir la maladie cœliaque, mais nous avons bon espoir et nous travaillons dur pour essayer d’y parvenir !

Cet article a été publié le 21 octobre 2019 et a depuis été mis à jour par l’équipe.

La photo de couverture est signée : ©Holger Link


A PROPOS DE L'AUTEUR

Cécile Gleize

Fondatrice de Because Gus et gluten free !

    COMMENTS (11)

  1. Marc Moens

    ()

    Bonjour,mon analyse génétique donne:
    HLA DR7/13
    HLA DQ2.2
    HLA DQ6
    HLA-B* 13/15
    Et mon docteur me fait supprimer le gluten,avez-vous des infos à ce sujet ?
    Merci et cordialement

    Répondre

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  3. Vercherat Stéphanie

    ()

    Bonjour,
    Merci pour cet article que je découvre.
    Mon fils est cœliaque, le début de ses symptômes a fait suite à son infection par le CytoMegaloVirus (CMV) en classe verte. Il a été très malade pendant 2 mois, et quelques mois après ses symptômes de la maladie cœliaque dont apparus. J’imagine que le CMV fait parti de ses infections virales ….et me dit que si il ne l’avait pas chopé en classe verte….il je serai à ce jour peut-être pas cœliaque.
    J’espère que des progrès seront fait en matière de recherche.
    Bonne continuation

    Répondre

    • Cécile Gleize

      ()

      Bonjour Stéphanie,
      Merci beaucoup pour votre témoignage ! On ne connaissait pas ce virus et comme il affecte le système immunitaire, c’est très probable qu’il puisse avoir « déclenché » la maladie coeliaque de votre enfant, mais cela aurait aussi pu très bien se produire plus tard… ou jamais ! Malheureusement on ne pourra pas le savoir :/
      Comment s’est passé la transition au sans gluten ?
      L’équipe de Because Gus

      Répondre

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